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Plus une semaine ne passe sans que nous parvienne une information impactant potentiellement le niveau des prix des biens et des services. En Suisse, l’économie est historiquement peu sujette à l’inflation. Hormis le renforcement du franc, nous avons été habitués à un environnement stable dans lequel les prix des fournisseurs étaient négociés une fois par année, où les délais de livraison pouvaient être anticipés, où la prévisibilité était relativement garantie. Ce temps est manifestement révolu, pour les prochains mois, voire les prochaines années. Face à cette situation structurelle nouvelle touchant tous les secteurs d’activité, les dirigeant·e·s d’entreprises doivent muscler un processus prioritaire du management : la gestion des prix. Il en va de la protection, voire du développement, de ses parts de marché et de la pérennité de la profitabilité de l’entreprise.
Les ruptures d’approvisionnement en matières premières et en composants industriels depuis le redémarrage post-COVID, la pression sur le fret international, l’instabilité géopolitique, la variation des taux de change, l’augmentation des coûts de l’énergie et des carburants, et bientôt les augmentations salariales ne sont que quelques facteurs contribuant à réinstaller une inflation oubliée ces dernières années. Désormais, les sources d’augmentation se répercutant sur la construction du prix d’un produit ou d’un service sont multiples et interviennent à des fréquences plus rapprochées.
Alors, dans ce contexte, comment appréhender la révision des prix de produits et de services ? À quelle fréquence ? Comment intégrer l'incertitude sur l’évolution à court et moyen terme dans la définition des prix ? Comment communiquer les augmentations à ses clients ?
Il est devenu impératif de se poser ces questions pertinentes, et bien d’autres encore, et d’engager les bonnes réflexions stratégiques. Et comme dans toute situation de crise, il s’agit d’identifier les opportunités pour savoir tirer son épingle du jeu et se démarquer de la concurrence.
Certes, notre tissu économique a dû faire face, ces dernières années, à l’impact majeur du renforcement continu du franc suisse. Un défi qui a démontré une fois encore la résilience de la grande majorité des entreprises exportatrices de notre pays. Toutefois, la nouvelle donne liée à l’augmentation des charges affecte aujourd’hui également les entreprises actives sur le marché domestique.
Ce qu’on appelle communément « pricing » dans le jargon de management n’est rien d’autre que la gestion de la politique de prix avec la détermination et révision périodique du prix du produit ou de la prestation. Gérée intelligemment, c’est une des composantes essentielles dans la bonne marche des affaires.
En effet, la détermination du prix requiert initialement la définition d’une stratégie d’entreprise bien communiquée, des objectifs clairs et un positionnement de marché défini. L’analyse préalable basée sur des considérations multiples repose sur 4 axes majeurs :
Il correspond à la somme des charges attribuées à un produit ou un service sur l’ensemble de la chaîne de valeur qu’ils soient directs ou indirects. Une comptabilité analytique bien structurée permet de connaître le coût, et donc la rentabilité, pour chaque type de produit et de service.
La valeur d’une prestation ou d’un produit pour le client est souvent décorrélée de son coût. En effet, chaque client a sa propre mesure et valorise de manière différente les bénéfices ou la valeur ajoutée apportée par un produit ou un service. Il s’agit là d’une notion abstraite, parfois difficile à cerner autrement que par une bonne connaissance de ses clients, mais qu’il convient d’intégrer dans l’établissement du prix. C’est d’autant plus vrai si la force d’une marque, l’expérience client particulièrement appréciée ou le caractère distinctif de l’offre sont importants.
La structure et les canaux de vente, les niveaux entre le producteur et le consommateur jouent aussi un rôle dans la détermination du prix. En effet, chaque partie prenante apporte sa valeur et doit pouvoir justifier son niveau de marge. Il paraît évident qu’un acteur qui n’utilise que le canal internet pour commercialiser ses produits pourra avoir une politique de prix plus agressive que son concurrent qui fait appel à un réseau de distributeurs.
Bien évidemment, le positionnement de l’entreprise dans le marché et le niveau de prix des concurrents doivent être parfaitement identifiés en amont de la détermination du prix du produit ou du service pour rencontrer son segment de clientèle.
Ces éléments d’analyse préalable à la définition et à la révision périodique des prix sont essentiels pour assurer la santé de l’entreprise. C’est pour cette raison qu’il est communément admis que le·a chef·fe d’entreprise devrait passer autant de temps à la gestion de son « pricing » qu’à vérifier l’efficacité de sa force de vente, à optimiser ses canaux de distribution ou à identifier des mesures d’économies de charges. Car une bonne gestion des prix est le plus grand levier sur la profitabilité de l’entreprise. On estime communément qu’une augmentation de prix de 5%, à volumes constants, peut avoir un impact de 30% à 40% sur la profitabilité de l’entreprise.
On l’a compris, dans la situation économique actuelle, le·a chef·fe d’entreprise doit donner davantage d’attention à différents éléments qui, potentiellement, ont un impact sur la définition du prix des produits et services et donc sur le succès de sa société.
En reprenant les 4 axes d’influence sur le niveau de prix définis ci-dessus, un certain nombre de paramètres méritent analyses et tests d’impact pour vérifier la faisabilité d’une hausse de prix :
Comment intégrer la composante d’imprévisibilité et du risque dans le prix ?
Dans le contexte instable actuel, il est conseillé d’intégrer des éléments d’imprévisibilité et de risques liés à la production dans la définition des prix, par le biais de simulations et de scénarios de réponse. Imaginons qu’une ligne de production puisse être perturbée par des coupures de courant l’hiver prochain, il serait avisé d’augmenter cet automne les horaires de production et de constituer des stocks plus importants afin de ne pas mettre à mal le carnet de commandes. Or, tout ceci a un coût : horaires de travail étendus, immobilisation du stock, trésorerie, etc. Celui-ci doit donc être anticipé et réintégré dans le calcul du coût de revient.
Plus que jamais dans la situation instable actuelle, diriger c’est anticiper et prévoir.
Une bonne gestion des prix en entreprise impose la mise en place de processus, d’outils et de règles de gouvernance : stratégie, responsabilités internes, périodicité de révision, validation, etc.
Cela demande une bonne compréhension de ses segments de clientèle, de la valeur des produits et services pour le client et d’une expertise pour la collecte et l’analyse des données permettant de définir les prix.
Une étape à ne pas négliger dans ce processus est celle de l’information et de la formation des équipes commerciales à présenter la valeur du produit ou du service et non uniquement son prix. Cela demande une bonne connaissance du client, de la valeur qu’il place dans le produit ou le service, les bénéfices voire les économies qu’il en retire. Dans certains cas, cela passe par un changement d’état d’esprit de la force de vente.
Segmenter sa clientèle selon ses besoins et comportements permet de proposer une offre et des prix différenciés. Et si pour certaines catégories de clients, augmenter les prix n’est pas envisageable, alors revoir la structure des rabais peut être une option.
Enfin, la transformation digitale de l’entreprise, notamment l’automatisation de la prise de commandes ou la vente en ligne, doit permettre de générer de nouveaux revenus et d’augmenter sa profitabilité.
De plus en plus de secteurs d’activité adoptent le « pricing dynamique », c’est-à-dire une adaptation en permanence en fonction de l’évolution de l’offre, d’analyse prospective de la demande et des taux de change notamment. Nous nous y sommes habitués dans les secteurs aériens, hôteliers et même à… la station-service. Cela se développe dans le secteur des composants industriels, des matériaux de construction et des produits de consommation pour ne citer que quelques catégories.
En définitive, la gestion des prix en entreprise est un cycle continu qui naît de la définition d’une stratégie et d’un choix de positionnement dans le marché par le propriétaire ou le top management : la vision est-elle d’augmenter ses parts de marché ? sa profitabilité pour financer, par exemple, innovation, transformation digitale ou ouverture de nouveaux marchés ? Puis vient la collecte, en temps réel, de données actualisées et fiables d’analyse des paramètres influençant le niveau des prix, ensuite l’étape de l’implémentation et de la communication.
Annoncer des augmentations de prix peut rapidement devenir un sujet émotionnel dans l’entreprise et auprès de ses clients. Toutefois, c’est possible avec une bonne préparation et une bonne communication, voire nécessaire puisque c’est le garant de la profitabilité et donc de la pérennité de la société, pour la satisfaction des parties prenantes au premier rang desquelles figure le client.