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Au cours des derniers mois, M&BD Consulting a étoffé son offre de services en ressources humaines. En effet, au fil du temps et des mandats, surtout ceux liés à la gestion de l’organisation, nos clients ont témoigné le besoin d’être accompagné à la fois sur des éléments stratégiques mais aussi sur des activités opérationnelles liées aux RH.
Dans cette perspective, nous sommes ravis de pouvoir compter sur l’expertise de Marc Baumgartner. Spécialiste en Droit du travail, il met ses connaissances pointues aux services de nos clients et intervient souvent pour répondre tant à des questions très spécifiques qu'à des problématiques RH plus générales rencontrées par nos clients. Exemple avec un nouvel article dans lequel il présente une thématique qui interroge actuellement beaucoup de dirigeant·e·s et responsables RH, celle du congé paternité.
Le congé paternité a été introduit en Suisse le 1er janvier 2021*, il y a donc plus de deux ans déjà. Alors qu’un premier rapport de l’OFAS (Office fédéral des assurances sociales) a révélé que seuls 70% des pères avaient fait usage de leur droit à ce congé au cours du premier trimestre 2021 et alors que se multiplient les initiatives cantonales en faveur d’un congé parental prolongé (jusqu’à 38 semaines), l’application du congé paternité, dans sa forme actuelle, continue de soulever un certain nombre de questions auprès des employeurs.
La seule condition devant être remplie par l’employé pour pouvoir bénéficier du congé paternité est celle d’être le père légal de l’enfant au moment de la naissance ou de le devenir au cours des six mois qui suivent cette naissance (art. 329g CO). Seule la paternité légale est ainsi déterminante ; le père biologique de l’enfant ne peut dès lors prétendre à aucun droit en la matière, tant que sa paternité n’a pas été établie juridiquement.
Au sens du code civil, la paternité légale peut être établie de 3 manières :
1. Par le lien du mariage entre le père et la mère de l’enfant au moment de sa naissance (l’établissement de la paternité est alors automatique),
2. Par une reconnaissance de paternité du père,
3. Par la constatation de la paternité par un juge dans le cadre d’une action judiciaire.
Or, s’il apparaît que la détermination de la paternité légale de l’employé ne pose aucune difficulté dans le cas de couples mariés ou dans les cas d’une reconnaissance rapide de l’enfant par le père, il peut en être tout autrement en cas de contestation juridique de la paternité de l’enfant ou encore en cas de reconnaissance de ce dernier, dans un délai supérieur à 6 mois après sa naissance (ce qui, selon les statistiques, n’est pas une exception).
Ainsi, l’employé qui, pour une raison ou une autre, tarde trop à reconnaître l’enfant de sa compagne perd tout simplement son droit à pouvoir bénéficier du congé paternité. Il en ira de même de l’employé dont la paternité doit être établie dans le cadre d’une procédure judiciaire (action en reconnaissance de paternité), dans la mesure où, sauf exception, ce type de procédure dure généralement plus de six mois.
Afin de s’assurer de la paternité légale de son employé, l’employeur peut demander que ce dernier lui remette un acte de naissance ou encore un certificat de famille.
Il est encore à noter ici que depuis l’ouverture du mariage aux couples de même sexe le 1er juillet 2022, les dispositions sur le congé paternité s’appliquent également par analogie à la conjointe de la mère de l’enfant né durant le mariage (si l’enfant a été conçu par un don de sperme). L’épouse de la mère peut ainsi, au même titre et aux mêmes conditions que les pères, bénéficier d’un véritable congé paternité.
L’employé qui remplit la condition examinée ci-dessus peut, s’il en fait la demande, bénéficier d’un congé paternité d’une durée de deux semaines que l’employeur doit alors lui accorder.
Il s’agit là d’une faculté offerte par la loi à l’employé, qui reste totalement libre d’en faire usage ou d’y renoncer, en partie ou même en totalité.
Les deux semaines de congé paternité prévues par la loi correspondent à une durée de 14 jours calendaires (incluant les week-ends), c’est-à-dire à 10 jours de travail pour un emploi à plein temps (réparti sur 5 jours/semaine). En cas d’activité à temps partiel, ces deux semaines doivent être accordées proportionnellement au taux d’activité de l’employé concerné, par exemple à concurrence de 4 jours de travail pour un employé travaillant à 40% (les lundis et mardis uniquement par exemple).
Le congé paternité peut être pris par l’employé soit en bloc d’une ou de deux semaines complètes, soit en jours entiers fractionnés. En revanche, le congé ne peut être pris en unités inférieures à une journée, par exemple en demi-journées ou encore en heures (à l’exception des employés occupés à temps partiel dont le taux d’activité journalier correspond par exemple à une demi-journée ou à un certain nombre d’heures déterminées).
Le congé paternité doit être pris par l’employé dans un délai de 6 mois qui suit la naissance de l’enfant. Après ce délai, le droit au congé ou à un éventuel solde de congé (non-utilisé) est périmé et l’employé ne peut tout simplement plus y prétendre.
Mis à part cette précision concernant ce délai de 6 mois, la loi ne donne aucune autre indication concernant la détermination de la période de congé, c’est-à-dire la fixation des dates des jours ou des semaines de congés demandées par l’employé. Dans ce contexte, il s’agit de tenir équitablement compte aussi bien des intérêts de l’employé à pouvoir être présent auprès de son enfant et de la mère (et s’impliquer dans les changements familiaux inhérents à l’arrivée d’un nouveau-né au cours des premiers mois) que des intérêts de l’employeur à ne pas se retrouver en difficulté du fait de l’absence de son employé. La naissance étant par nature un événement dont la date reste relativement imprévisible, il paraît évident que le père doit pouvoir prendre en tout cas une partie de son congé au moment de la naissance de son enfant et des jours qui suivent directement celle-ci. En revanche, par la suite, le délai-cadre de 6 mois prévu par la loi devrait permettre une certaine flexibilité dans la détermination des dates du congé paternité entre l’employé et l’employeur, notamment si les jours d’absence souhaités par l’employé sont de nature à placer l’employeur face à d’importantes difficultés dans le suivi de ses activités. Cette question demeure aujourd’hui toutefois controversée.
Une distinction essentielle doit être opérée entre, d’une part, le droit de l’employé de pouvoir bénéficier d’un congé paternité (tel qu’examiné ci-dessus) et, d’autre part, son droit de percevoir des allocations ou une autre forme de rémunération durant ce congé.
En effet, alors que le droit de l’employé au congé paternité est réglé par le code des obligations, son droit de pouvoir bénéficier des allocations paternité correspondantes est, quant à lui, régi par la Loi fédérale sur les allocations pour perte de gain (not. art. 16i LAPG) qui fixe un certain nombre de conditions supplémentaires à l’octroi desdites prestations.
Pour pouvoir percevoir les allocations paternité, l’employé doit, en plus d’être le père légal de l’enfant, (1) avoir été assuré obligatoirement à l’AVS durant les 9 mois ayant précédés la naissance et (2) avoir exercé durant cette période, une activité lucrative durant au moins cinq mois.
Il peut ainsi exister des situations dans lesquelles un employé, bien que bénéficiant d’un congé paternité complet de deux semaines (selon les conditions examinées ci-dessus) ne puisse pas prétendre aux allocations correspondantes et donc à une rémunération durant l’intégralité de ce congé. On peut par exemple penser à l’employé qui aurait commencé un nouvel emploi peu de temps avant la naissance de son enfant et qui ne cumulerait ainsi pas 5 mois d’activité dans la période des 9 mois précédant cette naissance.
Dans cette hypothèse malheureuse, l’employé, à défaut de conditions contractuelles plus favorables, ne peut prétendre qu’à un ou deux jours de congé payés, alors même qu’il bénéficie d’un congé paternité de deux semaines. Nul doute que dans un tel cas de figure, sauf accord plus généreux de l’employeur, l’employé hésitera à faire valoir des jours de congés durant lesquels il ne perçoit aucune rémunération.
Lorsqu’elles sont octroyées, les allocations paternité s’élèvent à 80% du revenu brut (moyen) de l’activité lucrative réalisé avant la naissance de l’enfant. Ce montant est toutefois plafonné à CHF 220.- par jour. Pour deux semaines de congé, les ayants droit peuvent donc toucher quatorze indemnités journalières, soit un montant maximal de CHF 3'080.-. Cela signifie que le montant maximum est atteint à partir d’un salaire mensuel brut de CHF 8'250.- et qu’au-dessus de ce montant, l’indemnité versée est inférieure à 80% du salaire de l’employé.
En définitive, aussi bien l’octroi du congé paternité par l’employeur que l’octroi des allocations correspondantes par l’assurance perte de gain restent soumis à un cadre légal strict et parfois peu adapté à la réalité et à la complexité des situations qui peuvent se présenter. Ainsi, il est fort probable qu’un certain nombre de jeunes pères ne puissent tout simplement pas bénéficier de ce congé et des allocations prévues ou décident tout simplement d’y renoncer afin d’éviter des pertes de salaire. Il reste, dans tous les cas, utile d’examiner chaque cas particulier à la lumière de ces nouvelles dispositions légales, qui ne manqueront certainement pas d’être précisées davantage par les tribunaux à l’avenir.