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En développant entre 4 et 8 stratégies d’entreprise par année, le panel de cas pratiques se présentant à moi est relativement important. Durant toutes ces années d’expérience en tant que consultant, j’ai pu faire plusieurs constats expliquant pourquoi les PME éprouvent des difficultés à créer une stratégie d’entreprise formalisée et communiquée.
Certes, je pourrais m’arrêter sur des aspects classiques tels que le manque de temps, de savoir-faire ou de méthodes par exemple. D’ailleurs, nous avions déjà relevé ces aspects dans notre étude sur la Stratégie et Gouvernance des PME en 2015. Même si ces aspects restent d’actualité, je suis convaincu qu’il ne s’agit que de conséquences et que les problématiques sont plus profondes et intrinsèques au fonctionnement organisationnel des PME.
Au cours de ces années, je suis arrivé à la conclusion que les problématiques principales proviennent de 3 pièges que j’ai nommés :
Il est intéressant de constater que 8 entreprises sur 101 vont systématiquement choisir de sacrifier (consciemment ou inconsciemment) la réflexion sur le futur de l’entreprise au bénéfice de la performance à court terme.
Par nature, la démarche stratégique n’a pas nécessairement de corrélation positive avec les résultats à court terme. Par ailleurs, nous constatons que plus le changement d’orientation stratégique est sérieux, générant par conséquent des transformations importantes, plus la performance à court terme en pâtit durant cette phase de transformation.
Il est vrai que dans quelques cas spécifiques, pouvant être liés entre autres à un environnement favorable, certaines entreprises peuvent se permettre de mener de front des transformations importantes au niveau stratégique, tout en maintenant la croissance des performances à court terme. Ces cas restent toutefois rares, voire isolés.
En tant que dirigeant d’entreprise vous devez donc, dans la majorité des cas, faire un choix entre l’orientation à court ou à long terme.
Comment choisir ? Il s’agit de définir la priorité du moment.
Si celle-ci concerne le futur de l’entreprise, il vaudra mieux se focaliser sur la «meilleure» solution à long terme et non sur la plus rapide et moins coûteuse.
Lorsque l’on observe les échanges au niveau des comités de direction ou des conseils d’administration lors du processus de développement stratégique, on a vite fait de constater une extrême difficulté à rester à un niveau d’échanges stratégiques. Ce constat est aussi vrai dans des groupes de grande taille et ayant une vraie méthode et du temps à disposition pour ce genre de réflexions.
Pour mieux comprendre le piège du détail, voici un exemple tiré d’un cas réel : lors d’un workshop en entreprise dédié à la définition des « segments stratégiques », la définition des DAS2 en d’autres termes, nous sommes vite tombés dans le piège détail. Après 3 heures d’échanges intensifs, profonds et axés sur les grands enjeux de l’entreprise, toutes les discussions étaient orientées sur le type de visuels à utiliser dans la communication d’une gamme de produits Y appartenant au DAS B…
Il s’agit d’un exemple classique du « piège du détail ». Vous devez sûrement vous demander, mais où est le problème de vouloir résoudre des aspects très opérationnels lors de la définition des grandes lignes stratégiques de l’entreprise ? La réponse est relativement simple : ce n’est ni le moment, ni le lieu et surtout, nous ne sommes pas avec les bonnes personnes pour répondre à ces questions opérationnelles.
Ci-dessous, quelques exemples d’égarements engendrés par le piège du détail :
Perte de la vision globale : les esprits qui se focalisent sur l’opérationnel perdent automatiquement la vision globale du problème.
Démultiplication des paramètres à tenir en compte : par nature, la définition stratégique est complexe. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter inutilement de la complexité.
Perte de temps : nous essayons de définir des finesses opérationnelles servant à soutenir une orientation n’ayant pas encore été définie.
Que mes propos ne soient pas mal interprétés. Je ne tends pas à dire que l’activité opérationnelle de l’entreprise est moins importante que la définition de la stratégie. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a un temps pour tout et que comme vous pouvez le constater sur le schéma ci-dessus, la notion de détail est absente au niveau du développement stratégique.
Comment ne pas tomber dans le piège du détail ? En restant à un niveau de détail bas.
Ce que l’on recherche avec la stratégie d’entreprise est de savoir où l’on va et de quelle manière nous allons parvenir à la situation souhaitée, et non de savoir si nous allons utiliser le « tu » ou le « vous » dans les échanges sur Facebook dans l’hypothèse où un prospect manifeste un possible intérêt !
Pour vous aider à ne pas tomber dans le détail, voici trois questions situationnelles qui peuvent vous aider à déterminer la pertinence du sujet traité :
Par nature, le développement d’un plan stratégique est complexe. Ceci est principalement dû à deux facteurs. Premièrement, la stratégie est orientée sur le futur et on connait la difficulté à prédire l’avenir avec certitude. De plus, le nombre de facteurs à considérer dans la réflexion est indéfini.
La combinaison de ces deux facteurs peut donc donner une impression d’insurmontabilité et par conséquent provoquer l’abandon. Cela constitue peut-être la raison pour laquelle seulement 22% des PME romandes disposent d’une stratégie formalisée et communiquée1.
Dans la pratique, et je suppose que c’est un phénomène humain, les dirigeants essaient de répondre à la complexité par la complexité, ce qui a tendance à générer encore plus de confusions et donc de difficulté.
Comment ne pas tomber dans la complexité ? En utilisant le concept des règles simples.
Disposer d’outils et être méthodique constitue bien évidemment une partie de la solution. Toutefois, si l’on veut aller plus loin, l’utilisation du concept des « règles simples » (Simple Rules)3 permet de réduire le nombre d’alternatives. Ces quelques règles simples peuvent être définies à travers « La Frontière » (quelles opportunités doivent être saisies), « La Priorité » (la sélection des opportunités) et « Le Stop » (quand faut-il arrêter des produits, services, processus etc.).
Je suis convaincu que chacun d’entre vous peut reconnaître des situations vécues au sein de l’entreprise qu’il dirige ou pour laquelle il travaille lors desquelles l’un ou plusieurs de ces trois pièges se sont manifestés.
Ces trois pièges sont intimement liés et peuvent créer des effets dominos. Par exemple, le fait de se focaliser sur le court terme va automatiquement augmenter la prise en compte d’un niveau de détail plus élevé, qui va à son tour engendrer une augmentation de la complexité. Un autre exemple est celui d’essayer de résoudre la complexité par l’intégration de nouveaux facteurs qui eux-mêmes vont démultiplier le niveau de détail. Pour éviter de se retrouver dans un cercle vicieux, il est essentiel de traiter ces 3 pièges en parallèle et non de manière isolée.
Une fois conscient(e) de ces trois pièges, il est plus facile de ne pas tomber dedans. Finalement, je dirais que le meilleur moyen d’éviter ces pièges consiste à définir un cap et de se concentrer sur ce dernier. Tout au long de l’article, je vous ai présenté différentes pistes qui je l’espère, vous aideront à garder le focus et ne plus tomber dans le détail, la complexité ou l’oubli du facteur long terme.
1 M&BD Consulting (2015). Étude sur la Stratégie et Gouvernance des PME romandes.
2 Un DAS est un ensemble d’activités d’une entreprise où les facteurs clés de succès sont semblables et reposent sur des ressources ou des savoir-faire communs. Par exemple, le groupe DANONE a divisé son activité en quatre DAS : Produits laitiers frais, Nutrition infantile, Eaux en bouteille, Nutrition médicale. Définition tirée de : Lehmann-Ortega, L., Leroy, F., Garrette, B., Dussauge, P. and Durand, R. (2016). Strategor. Paris : Dunod.
3 Sull, D. & Eisenhardt, K. (2015). Simple rules. Boston: Mariner Books.